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Les moyens diagnostiques de l’arthrose en 2004Les traitements locaux de l’arthroseArthrose et génétiqueLes greffes du cartilage dans l’arthrose

Comment diagnostiquer l’arthrose en 2004

Interview du Pr. Eric Vignon, Hôpital Lyon Sud

Eric Vignon
Mon médecin me dit que j’ai de l’arthrose. Comment savoir s’il a fait les examens nécessaires pour un diagnostic indiscutable ?
L’arthrose correspond à des lésions anatomiques associant des fissures du cartilage, des ostéophytes (excroissances osseuses autour des jointures, becs de perroquet en langage commun), une condensation de l’os avec parfois des géodes (trous) à un stade plus évoluée.
En principe, ces lésions sont identifiées par une radiographie simple qui est en général un examen suffisant. Toutefois il y a des différences selon l’articulation en cause et le stade anatomique de la maladie.

Dans quels cas la radiographie simple est-elle suffisante ?
Lorsque l’arthrose est évoluée car quelques soit l’articulation en cause, à ce stade, l’arthrose est toujours aisément identifiable.

Dans quels cas doit-on faire une imagerie plus sophistiquée ?
Pour la colonne, on peut admettre que la radiographie simple est assez sensible pour être suffisante pour le diagnostic. De plus, avoir ou pas une arthrose de la colonne quand on souffre du dos est sans importance car il n’a pas de relation entre la radio et la douleur. Faire un scanner ou une IRM dans ces conditions, réclamation fréquente des sujets anxieux, est une perte de temps inutile et onéreuse. Ces examens ne sont utiles qu’en cas de complications (sciatique, névralgie) faisant envisager une intervention et dans certains cas rares où l’on n’est pas sur du diagnostic en raison de données cliniques ou d’un aspect radiologique inhabituel.
Pour la hanche on peut admettre que la radio simple de face, couchée ou debout, avec parfois un profil de hanche, est suffisante parce que un sujet qui consulte pour une arthrose de hanche douloureuse présente toujours des lésions visibles sur la radiographie. Les exceptions à cette règle sont rares. Il s’agit soit d’arthrose tout à fait débutante et mal reconnue par le médecin non expert, soit de coxarthrose destructrice rapide que l’on ne voit pas au début sur la radio. Dans ces cas là seulement, le scanner ou l’IRM sont nécessaires.
Pour le genou, la radiographie standard, debout, face et profil, est souvent suffisante mais sa sensibilité pour le diagnostic d’arthrose est loin d’être fine. Une bonne radiographie du genou doit comporter une vue axiale des rotules et un cliché postéroantérieur de face en flexion, dit  » schuss « . Ces radiographies correctes sont très généralement suffisantes pour le diagnostic. L’imagerie complémentaire, l’IRM dans ce cas là, est toutefois utile pour un diagnostic plus fin devant un tableau de poussée d’arthrose qui ne régresse pas en quelques semaines.

Peut-on parfois se passer de la radiographie ?
Oui, pour l’arthrose de la main par exemple. Elle touche en règle général les jointures distales des doigts. Comme ces jointures sont superficielles, le médecin peut identifier les ostéophytes par le simple regard ou la palpation.
L’arthrose de la base du pouce donne aussi un tableau clinique suffisant pour rendre la radio inutile.
Dans certains cas, il peut être plus utile de faire une prise de sang pour éliminer la possibilité d’une polyarthrite. La radiographie n’est intéressante que dans certaines formes rares d’arthrose digitale dite  » érosive  » qui touche les jointures interphalangiennes proximales.

Peut-on faire le diagnostic d’arthrose par la biologie ?
Nous n’avons pas encore de test sanguin assez sensible et spécifique pour le diagnostic d’arthrose. On peut, de plus, douter de l’intérêt d’un tel examen car il est bien rare de ne pas avoir une arthrose quelque part à partir de 50 ans.
En revanche, il est possible que dans quelques années on se serve de la biologie pour apprécier le potentiel évolutif d’une arthrose et apporter un traitement particulier aux formes évolutives sévères.


Les traitements locaux de l’arthrose

Interview du Docteur Conrozier, Hôpital Lyon Sud

Thierry Conrozier
Dr Conrozier, comment vous est venue votre passion pour l’arthrose ?
C’est un concours de circonstances, j’ai fait mon clinicat dans le service du Pr Vignon qui était un des pionniers dans le domaine de la recherche sur l’arthrose, à une époque où l’arthrose paraissait comme une fatalité liée à l’âge ; il faut reconnaître qu’à cette époque, très peu de gens pensaient que le traitement de l’arthrose pouvait avoir un avenir et un intérêt.

J’ai eu la chance d’intégrer une équipe qui était très active dans le domaine de la recherche fondamentale sur l’arthrose expérimentale animale et dans le domaine des essais thérapeutiques sur l’arthrose.
Petit à petit, j’ai intégré cette équipe et je me suis spécialisé dans les méthodes d’évaluation de l’arthrose et, depuis quelque temps, sur l’évaluation des traitements locaux de l’arthrose.

Docteur Conrozier, pourquoi vous intéressez-vous particulièrement aux traitement locaux de l’arthrose ?
L’arthrose est une pathologie articulaire extrêmement fréquente qui touche des populations généralement âgées, polymédicamentées, fragiles et dans la majorité des cas, lorsque cela est possible, il est plus intéressant de traiter localement des articulations atteintes que d’ajouter des traitements médicamenteux avec tout leur cortège d’effets secondaires possibles. Ce sont des gens qui prennent déjà des médicaments.

D’autre part, il est plus facile d’évaluer l’effet d’un traitement lorsqu’il est administré localement que lorsqu’il est administré par voie générale.

Dans ces traitements locaux, Dr Conrozier, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l’acide hyaluronique dans l’arthrose ?
L’acide hyaluronique, injecté en intra-articulaire, est un traitement appelé sous terme de viscosupplémentation, est certainement un grand progrès thérapeutique de ces dix dernières années dans l’arthrose.

L’intérêt de ce traitement est qu’il répond à un mécanisme bien précis : on injecte dans l’articulation une substance, une molécule de l’acide hyaluronique, qui est normalement présente dans l’articulation et qui est responsable des propriétés viscoélastiques du liquide synovial ; en d’autres termes, qui permet de lubrifier l’articulation et d’amortir les chocs, et d’autre part, qui a un effet local anti-inflammatoire extrêmement intéressant.
L’injection d’acide hyaluronique s’oppose au traitement jusqu’alors utilisé en intra-articulaire qui était des infiltrations de corticoïdes par un mécanisme bien différent et surtout une tolérance à la fois locale et générale tout à fait intéressante.

Vous avez injecté d’autres substances dans la gonarthrose ?
La gonarthrose, l’arthrose du genou, est bien entendu l’affection idéale pour traiter localement parce que c’est une articulation qui est facile d’accès que l’on peut ponctionner avec un petit peu d’expérience très aisément et qui est très facilement évaluable tant sur le plan de son activité clinique que de son évolution radiologique.

La plupart des traitements locaux sont développées dans la gonarthrose. Les corticoïdes sont utilisés depuis de très nombreuses années, et malheureusement n’ont pas encore été évalués de façon tout à fait rationnelle comme beaucoup de médicaments.
L’acide hyaluronique est maintenant un traitement de choix de certaines arthroses.
Très récemment, c’est sous l’égide du Pr Goupille de Tours et en collaboration avec le Pr Chevalier de Créteil, nous avons pour la première fois au monde tenté des injections intra-articulaires de récepteurs antagonistes de l’interleukine 1 à l’intérieur du genou du patient arthrosique avec une excellente tolérance et un résultat apparemment très intéressant. Il faut d’autres études pour le confirmer.

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont ces récepteurs antagonistes de l’interleukine, ce qu’est l’interleukine ?
L’interleukine est une cytokine qui est un messager entre les cellules, un messager chimique qui va transmettre une information d’une cellule à une autre et provoquer un certain nombre de réactions.
L’interleukine 1 est un messager intercellulaire qui est produit de façon ubiquitaire dans l’organisme et de façon particulièrement importante dans les articulations arthrosiques ou dans les maladies inflammatoires, avec pour conséquence une réduction de la synthèse et de la fabrication des composantes des cartilages et une augmentation de leur destruction.

Fort de ces connaissances, cette interleukine 1 a été très rapidement suspectée comme un des éléments majeurs de la physiopathologie et de la cause de l’arthrose. Donc l’idée est d’aller bloquer cette cytokine localement ou de façon générale pour empêcher la progression de l’arthrose.
Certains médicaments pris par voie générale sont utilisés dans ce but pour bloquer l’activité de l’interleukine 1 mais les résultats cliniques sont relativement modestes.
Dans la mesure où un récepteur antagoniste de cette cytokine avait été synthétisé et utilisé par voie générale dans la polyarthrite rhumatoïde, nous avons décidé de l’injecter localement à l’intérieur de l’articulation arthrosique afin de bloquer les phénomènes à la fois inflammatoires et de destruction articulaire.

Les résultats que nous avons pu obtenir dans cette étude sont tout à fait parcellaires pour le moment ; la première chose que l’on peut dire c’est que l’injection se déroule extrêmement facilement, sans douleur ou réaction particulière après l’injection et dans cette étude sur un nombre relativement restreint de malades et un suivi relativement court , nous avons eu l’heureuse surprise de voir une très nette amélioration à la fois sur le plan de la douleur et sur le plan de l’amélioration de la fonction, chez ces patients.
Pour cela, une nouvelle grande étude est programmée afin de comparer les résultats de ce traitement à un traitement non pharmacologiquement actif, c’est-à-dire un placebo, de façon à savoir exactement l’importance du service rendu par ce traitement.

Quelle place va-t-il rester pour les corticothérapies locales dans le traitement de l’arthrose pour les années à venir ?
Pour le moment, nous avons deux produits à notre disposition à injecter dans l’articulation arthrosique : de la cortisone, exactement un corticoïde retard sous forme de solution ou de suspension et l’acide hyaluronique.
Les indications sont très différentes. L’infiltration de cortisone est réservé aux poussées congestives, c’est-à-dire aux périodes inflammatoires de l’arthrose.
On peut, schématiquement, comparer l’arthrose à un volcan avec une période d’éruption et une période de tranquillité : la poussée congestive correspond à cette période d’éruption, qui est une période d’activité intense de la maladie, habituellement accompagnée d’une aggravation de la dégradation du cartilage et il est très important de l’arrêter le plus vite possible.
Elle se manifeste habituellement par une augmentation de douleur, par un gonflement de l’articulation.

L’infiltration corticoïde correspond à une injection d’un produit anti-inflammatoire directement sur le lieux d’inflammation après avoir retiré l’épanchement visqueux qui accompagne cette poussée. Pour le moment, en résumé, les infiltrations de corticoïdes ne doivent être appliquées que dans les poussées congestives d’arthrose.

Le traitement par l’acide hyaluronique est complètement différent.
Il s’agit d’un traitement de fond qui s’adresse à des articulations qui sont douloureuses dans des circonstances mécaniques : douleur à la marche, à la montée et à la descente des escaliers, sensation de raideur articulaire, chez un patient qui a une douleur chronique, en dehors des poussées congestives donc en dehors de périodes d’épanchement articulaire.
Le traitement consiste en trois injections à une semaine d’intervalle d’un dérivé d’acide hyaluronique, de plus ou moins haut poids moléculaire donc de viscosité différente.
Il existe différents produits sur le marché avec une performance différente les unes des autres.
Ce traitement doit être appliqué chez des patients qui ont une arthrose en dehors de poussées congestives.
Nous ne savons pas encore exactement quels seront les traitement de demain concernant le remplacement éventuel des corticoïdes.
Peut-être le traitement inhibiteur de l’interleukine 1 dont j’ai parlé précédemment aurait à la fois un effet anti-inflammatoire comme les corticoïdes et un effet chondroprotecteur comme on peut l’espérer de l’acide hyaluronique. Mais c’est encore tôt pour le dire.

Va-t-on voir disparaître des traitements par voie générale de l’arthrose ? En quelque sorte, il n’y aurait plus de traitements locaux de l’arthrose ?
Bien entendu non, parce que l’arthrose est une maladie très souvent générale qui touche de nombreuses articulations, donc un traitement antirhumatismal de fond. D’autre part, certaines articulations ne sont pas accessibles aux injections intra-articulaires.

Ainsi, genou, hanche dans certaines conditions pour celle-ci (ces injections doivent être organisées sous contrôle radiographique-échographique) cheville ou épaule qui sont moins souvent atteintes par l’arthrose, seront plus facilement l’objet des traitements intra-articulaires.
En revanche, en ce qui concerne les petites articulations des mains ou la colonne vertébrale, les traitements généraux gardent toute leur utilité et nécessité de développer des traitements plus puissants, et surtout nécessité de faire un diagnostic plus précoce afin que les traitements n’agissent pas trop tard quand il n’y a plus de cartilage.

Arthrose et génétique

arthrose génétique
Maladies génétiques responsables d’arthrose

Interview de Nadia Mehsen et Chantal Dumoulin, Chefs de Clinique, Service de Rhumatologie, CHU Bordeaux

L’arthrose est-elle une maladie génétique ?
Un facteur héréditaire semble bien exister dans certaines formes d’arthrose et notamment dans l’arthrose des doigts.

Cette atteinte est fréquemment retrouvée de mère en fille et la sœur d’une patiente atteinte d’arthrose des doigts a 3 fois plus de risques d’avoir elle aussi une arthrose des doigts. Lorsque des sujets sont affectés d’une arthrose généralisée, leurs enfants ont deux fois plus souvent une arthrose généralisée avec atteinte des mains que la population générale.

De nombreuses études ont pour but de localiser les gènes responsables de ces atteintes et certaines mutations ont déjà été identifiées.L’arthrose peut être la conséquence de maladies héréditaires. On parle alors d’arthrose secondaire.

Les plus fréquentes sont les dysplasies, l’hémophilie et l’hémochromatose.

Les dysplasies sont des malformations comme la luxation congénitale de hanche.Dans cette dernière la tête du fémur se luxe en dehors du bassin, il existe une mauvaise répartition des contraintes sur la tête du fémur qui a pour conséquence une usure prématurée du cartilage donc une arthrose précoce.

L’hémophilie est une maladie de la coagulation qui se traduit par des saignements. Ces saignements peuvent avoir lieu sur la peau, dans les muqueuses (gencives..) mais également dans les articulations. Ce sont les saignements répétés dans les articulations qui vont être à l’origine de la dégradation du cartilage et donc de l’apparition de l’arthrose.

L’hémochromatose est une maladie héréditaire due à une surcharge en fer dans l’organisme.Elle se traduit par une coloration de la peau, des anomalies du foie et un diabète.

Sur le plan articulaire, elle se traduit par une arthrose sévère qui va toucher principalement les mains puis les autres articulations si la maladie n’est pas traitée.

Les greffes du cartilage dans l’arthrose

Interview du Dr. Muriel Piperno, Centre Hospitalier Lyon Sud, Service de Rhumatologie du Pr. E. Vignon.

Muriel Piperno
Docteur Piperno, depuis quelques années, vous vous intéressez à la greffe du cartilage, vous en êtes devenue une grande spécialiste. D’où vous est venue votre passion ?
Je travaille dans un service de rhumatologie, je suis praticien hospitalier. L’axe de recherche de ce service est essentiellement l’arthrose et, comme vous le savez, l’arthrose est une maladie du cartilage. Malheureusement, le cartilage est un tissu qui ne se répare pas spontanément et c’est donc tout naturellement que m’est venue l’envie de trouver des solutions pour réparer ce tissu.
Par ailleurs, nous travaillons avec une équipe chirurgicale qui, elle, se heurtait aux problèmes des lésions localisées du cartilage faisant suite à des traumatismes ou une ostéochondrite et là aussi, il y avait un réel besoin de solution pour réparer ce type de lésion.

Le cartilage est un tissu très fragile. A partir de quels tissus ou de quelles cellules faites-vous du cartilage ?
En effet, le cartilage est un tissu très complexe et son potentiel de réparation spontanée est très limité. Le cartilage c’est un tissu qui est formé d’une matrice, essentiellement constituée de collagène de type II et de protéoglycanes, et d’un seul type cellulaire, les chondrocytes.
La particularité de ces chondrocytes, c’est qu’ils sont capables de synthétiser, de fabriquer tous les éléments de la matrice qui les entoure. C’est donc, de manière intuitive, vers les chondrocytes qu’on va se tourner pour fabriquer du cartilage.

D’où viennent donc les cellules que vous utilisez ?
Pour le moment, l’articulation qui est traitée avec la greffe de chondrocytes, c’est le genou.
Donc on va prélever, lors d’une arthroscopie au niveau d’une zone non portante du fémur, un petit fragment de cartilage, de 100 à 200 mg, et c’est à partir de ce petit fragment de cartilage que, par digestion enzymatique, on va séparer les cellules de leur matrice, ces cellules étant les chondrocytes. Ensuite, on va cultiver ces chondrocytes de manière à les multiplier par un facteur 10, en les cultivant en ce qu’on appelle  » mono-couche « , c’est-à-dire qu’on les met dans une boîte, on leur donne  » à manger  » et quand elles ont rempli la boîte, on les transpose dans une autre boîte deux fois plus grande. On fait cela environ 2 ou 3 fois, ce qui prend environ 3 à 4 semaines. Au bout de 4 semaines, les cellules se sont multipliées par 10.

Nous avons donc à faire à des cultures de cellules et non pas des cultures de tissus.
En effet, on ne fabrique pas de nouveaux tissus, on multiplie simplement des cellules. Il existe une autre technique qui utilise des biomatériaux. Les biomatériaux ce sont des supports pour les cellules qui vont permettre la culture en 3 dimensions. En effet, dans la méthode précédente, on cultive les cellules à plat. Le problème, quand on cultive les cellules, les chondrocytes à plat, c’est qu’ils vont perdre leur capacité à fabriquer du cartilage alors que, quand on les cultive dans un milieu tridimensionnel, donc un biomatériau, ils peuvent fabriquer du cartilage et là, on peut aboutir à la synthèse d’un néocartilage in vitro.

Une fois les cellules ou les tissus obtenus en grande quantité, comment réintroduit-on dans l’articulation lésée ces éléments ?
Il faut cette fois-ci ouvrir l’articulation, ce n’est plus une simple arthroscopie comme pour la première étape où on prélève simplement un petit morceau de cartilage : là, on ouvre l’articulation. Quand il s’agit d’une suspension cellulaire, et c’est la technique qui est pratiquée actuellement, il faut fabriquer une chambre d’injection étanche parce que si vous injectez les cellules comme ça dans l’articulation, elles vont se disperser dans l’articulation, elles n’iront pas précisément sur le site de la lésion. Donc on va coudre sur la lésion cartilagineuse une petite membrane de péri-os, qui est la membrane externe de l’os qu’on va prélever à la face antérieure du tibia, ou alors une membrane de collagène qui est fabriquée, qu’on peut simplement coller sur la lésion. Une fois qu’on a fait cette chambre d’injection et qu’on a bien vérifié son étanchéité, on injecte alors la suspension de cellules. Les cellules, une fois sur place, vont retrouver leur phénotype chondrocytaire parce qu’elles seront de nouveau dans un milieu tridimensionnel et non plus à plat et vont se remettre à fabriquer du cartilage.

Aujourd’hui, à qui s’adresse ce type de greffe de cartilage ?
Aujourd’hui, ce type de greffe s’adresse aux patients jeunes, de moins de 50 ans, qui ont des lésions localisées du cartilage qui font suite soit à un traumatisme, soit à une maladie qu’on appelle l’ostéochondrite disséquante, où on a des lésions localisées profondes du cartilage.
Pour le moment, cette technique n’est pas indiquée dans l’arthrose.

Quelle est votre expérience dans ce type de greffe ?
Nous avons, à Lyon, avec le Professeur Moyen, chirurgien orthopédiste, réalisé ce type de greffe chez 15 patients qui présentaient des lésions post-traumatiques du cartilage. C’est maintenant terminé, le suivi est encore en cours mais les premiers résultats sont assez convaincants.

Pourra-t-on envisager un jour d’utiliser cette technique dans l’arthrose établie (c’est-à-dire un diagnostic clinique associé à des radiographies montrant des signes d’arthrose) ?
Les lésions qu’on traite jusqu’à présent avec ces greffes de chondrocytes sont des lésions locales sur le cartilage. Le problème de l’arthrose c’est que c’est une maladie qui est diffuse à tout le cartilage de l’articulation concernée. De plus, comme vous l’avez compris, ce sont des autogreffes, c’est-à-dire que l’on greffe au patient ses propres cellules. Or, dans l’arthrose, les cellules sont endommagées et elles n’ont pas les mêmes capacités à se reproduire ni à fabriquer du cartilage que des chondrocytes d’un sujet qui n’a pas d’arthrose, d’un sujet sain. Enfin, les cellules arthrosiques fabriquent des cytokines qui sont des substances délétères pour le cartilage et qui pourraient être lésées lors d’une éventuelle greffe de tissus, si on la faisait.
Par ailleurs, techniquement, la greffe de cellules comme on la pratique actuellement, n’est pas envisageable dans l’arthrose. Je pense qu’on se dirige, pour le traitement de l’arthrose par greffe de cartilage, plus vers des techniques utilisant des biomatériaux, avec la fabrication d’un nouveau tissu in vitro qu’on pourrait peut-être ensuite réimplanter dans l’articulation malade.