Les antidépresseurs sont-ils vraiment utiles pour soulager l’arthrose ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 28 janvier 2021

Quand il s’agit de soulager des douleurs chroniques persistantes liées à l’arthrose, certains patients se voient parfois prescrire des antidépresseurs. Cependant, l’utilisation de cette classe thérapeutique manque de preuves quant à son efficacité dans le traitement des douleurs chroniques. Des chercheurs australiens ont donc mené une étude pour évaluer l’efficacité et l’innocuité des antidépresseurs contre les douleurs liées à l’arthrose et aux maux de dos.

Arthrose et douleurs chroniques

L’arthrose est une maladie articulaire qui se caractérise par la destruction du cartilage au niveau de toutes les structures de l’articulation (de la hanche ou du genou par exemple). Cette destruction du cartilage empêche le bon glissement des articulations les unes sur les autres et entraîne des douleurs chroniques très handicapantes pour le patient ainsi qu’une perte de mobilité.

En première intention, ce sont des analgésiques (comme le paracétamol) et l’ibuprofène qui sont prescrits aux patients. Mais lorsque ces médicaments ne suffisent pas à soulager les douleurs, certains patients se voient parfois prescrire des antidépresseurs. Les preuves scientifiques de l’efficacité de ces médicaments contre la douleur sont pourtant incertaines.

Dans ce contexte, une équipe de scientifiques australiens a souhaité évaluer l’efficacité et l’innocuité des antidépresseurs contre les douleurs chroniques liées à l’arthrose et aux maux de dos. D’après le Dr Giovanni Ferreira, chercheur à l’Institut de santé musculo-squelettique de l’Université de Sydney et auteur principal de l’étude : « L’utilisation d’antidépresseurs pour traiter les personnes souffrant de maux de dos chroniques et d’arthrose augmente dans le monde entier, mais avant nos travaux, il n’était pas clair si les antidépresseurs soulageaient la douleur ou étaient sûrs ».

Antidépresseurs et Arthrose : Une efficacité qui reste à prouver

Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques ont effectué une méta-analyse de 33 essais cliniques randomisés ayant évalué l’efficacité des antidépresseurs sur plus de 5 000 participants souffrant de douleurs lombaires, cervicales, de sciatique ou d’arthrose de la hanche ou du genou.

Six classes d’antidépresseurs ont été testées, dont les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN) et les antidépresseurs tricycliques. Une échelle de 0 à 100 a été proposée aux participants afin qu’ils puissent estimer les effets des antidépresseurs sur leur douleur.

À savoir ! Dans cette étude, les chercheurs ont estimé qu’une différence de 10 points entre les groupes était nécessaire pour considérer les antidépresseurs comme utiles pour soulager la douleur.

Publiés le 20 janvier dernier dans le British Medical Journal, les résultats de cette analyse montrent que l’efficacité des antidépresseurs sur la douleur reste à prouver. Contre les maux de dos, les antidépresseurs se sont en effet révélés inefficaces ou ont seulement produit un très petit effet. Quant aux douleurs liées à l’arthrose, elles ont faiblement été soulagées par les antidépresseurs. Les IRSN ont en effet présenté un effet léger sur la douleur arthrosique après trois mois, avec une différence moyenne de 9,7 points sur l’échelle de la douleur par rapport au placebo. Pour le Dr Ferreira « ces effets pourraient néanmoins être perçus comme valables par certains patients ».

Des effets indésirables à prendre en compte

Mais au-delà du peu d’efficacité des antidépresseurs sur la douleur, ce qui inquiète les chercheurs, ce sont les effets secondaires indésirables (comme les nausées) ressentis par deux tiers des patients ayant pris des IRSN : « C’est préoccupant car certains antidépresseurs augmentent considérablement le risque qu’une personne éprouve des effets indésirables. De nombreuses personnes sont traitées avec ces médicaments qui peuvent ne pas soulager leur douleur et peuvent leur faire du mal », explique le Dr Ferreira.

Cependant, les scientifiques ne conseillent pas aux patients qui prennent des antidépresseurs pour soulager leurs douleurs de les arrêter de façon brutale. Selon le professeur Andrew McLachlan, co-auteur de l’étude, un arrêt brutal risque de « conduire à des effets de sevrage qui peuvent être pénibles et parfois présenter de graves problèmes de santé. Ces effets de sevrage comprennent des étourdissements, des nausées, de l’anxiété, de l’agitation, des tremblements, de la transpiration, de la confusion et des troubles du sommeil. »

Les auteurs de cette analyse espèrent que les premiers résultats de cette analyse permettront aux cliniciens de prendre des décisions plus éclairées sur l’opportunité de traiter ces douleurs chroniques au moyen d’antidépresseurs. Ils concluent sur la nécessité de mener urgemment des essais définitifs de grande ampleur afin de résoudre les incertitudes sur l’efficacité des antidépresseurs contre les douleurs liées à l’arthrose et la sciatique.

Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– Efficacy and safety of antidepressants for the treatment of back pain and osteoarthritis: systematic review and meta-analysis. bmj.com. Consulté le 24 janvier 2021.